La procédure d’inscription au tableau d’avancement, archaïque et infantilisante, reste une étape incontournable dans l’évolution de la carrière des magistrats alors même que la CAV inscrit quasi-systématiquement au tableau tous les collègues proposés par leur chef de cour et, dans plus de trois cas sur quatre, les auteurs de saisines directes.
Pour autant, ce pouvoir discrétionnaire des chefs de cour de proposer ou non les magistrats remplissant les conditions d’ancienneté puis de les classer à leur bon plaisir par ordre de « mérite » n’est toujours pas tombé en désuétude et continue à exister comme véritable moyen de pression ou de contrôle, sanction détournée, vexation ou récompense (mais de quoi ?).
Aujourd’hui, l’inscription au tableau est quasiment devenue la norme pour les magistrats remplissant les conditions d’ancienneté : sept années au second grade dont cinq en service effectif en position d’activité ou de détachement, hors règles spéciales de majoration. Le taux d’inscription des magistrats présentés ou ayant demandé leur inscription directe était ainsi de 98,77 % en 2021. La Commission d’avancement rappelle chaque année que tous les magistrats ont vocation à être inscrits au tableau d’avancement, sauf réserve particulière.
Ce pouvoir d’inscription ou de non-inscription met néanmoins en jeu l’indépendance des magistrats. C’est pourquoi le Syndicat de la magistrature défend le principe de l’inscription de tous les collègues. Pour aller plus loin, après avoir obtenu en son temps la suppression de la liste d’aptitude, il défend l’instauration du grade unique et, par conséquent, la suppression du tableau d’avancement. La progression indiciaire se ferait exclusivement à l’ancienneté, pour mieux réserver l’examen des compétences et appétences aux nominations dans telle ou telle fonction.
Les gouvernements successifs affichent volontiers leur volonté d’ouvrir le corps des magistrats à des profils variés dotés d’une expérience professionnelle antérieure. C’est aussi ce que soutient (mais pour d’autres raisons) le Syndicat de la magistrature, non par défiance à l’égard des magistrats issus du concours, mais plutôt pour la richesse qui résulte d’une telle diversité. Pour autant, l’absence de règles claires concernant la reprise d’ancienneté est souvent un frein pour de nombreux éventuels candidats à l’intégration qui craignent à juste titre une perte substantielle de revenus.
De même, le caractère totalement alambiqué ou obscur du calcul de la reprise d’ancienneté est une source d’incertitude pour les collègues concernés, dont la vie personnelle et familiale se trouve bien souvent suspendue pendant une année ou deux en l’absence de perspectives claires concernant leurs chances d’obtenir une mutation au premier grade.
Peu protecteurs, les textes actuels ne prévoient qu’un simple affichage de la liste des magistrats proposés, sans notification personnelle. Le droit au recours des magistrats absents de la juridiction (congé maternité, congé maladie...) est ainsi entravé. Cette situation apparaît d’autant plus absurde que l’absence de proposition peut parfois résulter de simples oublis, rendus possibles par l’absence de communication par la DSJ aux chefs de cour de la liste des magistrats remplissant la double condition d’ancienneté et de durée des services effectifs. Comment saisir la CAV avant le 15 mars, délai de rigueur, dans ces conditions ?
Si ce délai a été dépassé, le relevé de forclusion demeure néanmoins possible, comme le SM a pu l’obtenir depuis 2015, cette jurisprudence ayant été reprise par la CAV dernièrement élue.
Par ailleurs, en dépit de la jurisprudence contraire du Conseil d’Etat, le Syndicat de la magistrature revendique la motivation des décisions de refus d’inscription pour permettre a minima aux magistrats de comprendre les raisons de leur non-inscription au tableau et dégager des critères clairs.
L’ordre de présentation selon le critère discrétionnaire du mérite est sans influence sur la décision d’inscription au tableau. Il suscite néanmoins incompréhensions et sentiment d’injustice dans une institution qui ne sait guère valoriser les compétences et l’engagement professionnel.
Le SM agit à la CAV pour faire progresser le caractère automatique de l’inscription au tableau. Conformément à nos revendications, l’article 36 du statut a été modifié par la loi du 8 août 2016 afin de prévoir que la réinscription soit de droit pour les magistrats présentés par leurs chefs de cour. Néanmoins, les magistrats qui ne seraient pas présentés au renouvellement doivent encore saisir la CAV pour qu’elle procède à leur inscription, ce qu’elle fait systématiquement. Les élus du SM continuent de militer pour que l’inscription soit admise sans discontinuité.